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LA « DÉMOCRATIE » POUR LES AFFAMÉS (Robert Bibeau)

La semaine dernière nous avons vu que pour liquider les révoltes arabes avant qu’elles ne dégénèrent en une révolution anti-impérialiste incontrôlable (qui risquait de mettre à mal la domination des puissances étrangères dans cette région du monde), toute la coterie de « gauche » a brandi l’épouvantail de la « démocratie bourgeoise », solidement arrimée au char américain piloté par Hillary Clinton, leur nouvelle pythie « révolutionnaire » (1).

 

Les peuples arabes se sont révoltés, hurlaient en chœur Hillary et sa chorale de   « gauche », pour obtenir l’insigne privilège de mourir de faim, d’être mal logés, de croupir au chômage et de ployer sous l’exploitation dans le cadre d’un régime « démocratique bourgeois », et seulement après avoir apposé une croix sur le bulletin de vote identifiant le larbin national qui présiderait à la curée étrangère de la plus value et des ressources minières et pétrolières.

 

« Passez votre chemin bonnes gens, le scrutin a eu lieu et il n’y a plus rien à voir. On vous dira qui vous avez choisi et s’il n’est pas membre du sérail on recommencera le scrutin « libre et démocratique ». Et de grâce, débarrassez-nous de ces barricades menaçantes Place Tahrir et retournez à votre vie misérable, peuples arabes. ».

 

EN OCCIDENT

 

Pas question de brandir cette fumisterie « démocratique » pour apaiser, – éteindre ou écraser – les  révoltes populaires en Occident. Il y a déjà plusieurs décennies que les peuples d’Europe, d’Amérique du Nord et d’Australie-Nouvelle-Zélande-Japon bénéficient du privilège de choisir « démocratiquement » leur garde chiourme national.

 

Encore récemment ils ont eu le loisir de permuter Bush contre Obama et de porter Blingbling  Sarko au sommet de l’Élysée. Bientôt ils pourront choisir un candidat « socialiste » pour défendre les politiques des riches au parlement français. Même chose au Royaume-Uni, en Allemagne, au Canada, etcetera.

 

Alors quelle nouvelle mystification inventée pour calmer ces enragés de la chaussée ? Simple, ne jamais confronter les insurgés directement, cela demeure la prérogative de la police, de l’armée, du Front National, de la LDJ et tutti quanti.

 

Premier mouvement : la « gauche » caviar et ses amis sociaux-démocrates, dans leur  mission de récupération au service du capital, doivent d’abord acquiescer aux récriminations des affamés, des pauvres et des malandrins, sans négliger les réclamations de la petite bourgeoisie en voie de paupérisation. Il est important de ne pas oublier ce groupe social, car justement cette sous-classe servira de levier au moment du deuxième mouvement de l’opération récupération. Nous y reviendrons.

 

DÉMONSTRATION DE L’OPÉRATION RÉCUPÉRATION

 

Cette fois nous sommes dans une salle de conférence à l’Université du Québec à Montréal. L’événement aurait pu se passer à Nanterre, à la Sorbonne, à Berkeley, ou à la Humboldt Universität, peu importe, les universités d’été foisonnent depuis qu’il est programmer  de récupérer les révoltes populaires spontanées au nord de l’Hémisphère.

 

Un nouveau pageant de sommités, d’experts et de militants syndicaux de tout acabit défile à l’avant de la scène. Quelques caractéristiques communes : ils sont loquaces, ont beaucoup de bagou et ils s’écoutent paraphraser espérant que personne dans la salle ne viendra les contrarier. Il est permis d’être obséquieux et de les questionner mais de façon que la question complaisante suggère une réponse évidente. Les panélistes se lancent à l’assaut de l’assistance, les gros mots fusent et tonnent tels des coups de tonnerre au milieu de la salle indifférente parce que parfaitement consciente de la futilité de ces algarades de paumés : « À bas le capitalisme » murmure le premier ; « Il faut casser le régime » renchérit le second ; « Le capitalisme n’a pas d’avenir » s’exclame un troisième ; tonitruant, la quatrième s’exclame « Soyons maître chez-nous » ; le cinquième, n’y tenant plus, proclame « Rapatrions notre butin d’Ottawa ! » ; La dernière exige que les multinationales soient muselées. La soirée s’annonce agitée, me dis-je juché sur mon canapé.

 

UNE RÉVOLUTION CONTRE UN PONT

 

À la deuxième volée de bois vert (deuxième tour de parole), le ton change brusquement, le représentant social-démocrate exige que le gouvernement répare le pont Champlain en décrépitude ; le second annonce qu’il réclamera au parlement que l’armée range les sacs de sable après les inondations printanières ; le troisième exige que l’on répare les routes du pays ; la quatrième s’inquiète que les soupes populaires reçoivent moins de subventions du gouvernement ; la cinquième demande que l’on prenne en compte les droits des animaux dans toutes ces revendications « révolutionnaires » ; la sixième suggère de hausser le taux de redevances ridiculement bas des entreprises minières qui spolient les ressources naturelles canadiennes.  Je me suis abstenu de l’informer qu’en fait les multinationales américaines, australiennes et chinoises, aussi bien que canadiennes, du pétrole et des mines reçoivent davantage en subventions de la part des divers paliers de gouvernement qu’elles ne versent en royautés et en impôts combinés. En effet, le peuple canadien subventionne la spoliation de ses ressources naturelles et leur exportation vers les USA, la Chine, etc.  

 

Je vous prie de noter que le deuxième mouvement de l’opération récupération que nous annoncions plus tôt est déjà enclenché. Il est évident que ces petits-bourgeois ne souhaitent nullement renverser le capitalisme, mais plutôt le reconditionner – le rafistoler – afin de camoufler ses plus évidentes manifestations de prévarication et d’exploitation et permettre ainsi à cette péripatéticienne sur le retour de se refaire une virginité.

 

Toutes ces revendications pseudos « révolutionnaires » mises de l’avant par ces intervenants sont déjà en cours de réalisation de la part de l’État bourgeois. Il est entendu que les ponts et chaussées doivent être réparés afin de permettre aux travailleurs de se rendre sur leur lieu d’exploitation. La petite bourgeoisie du Chili et d’Argentine a déjà servi cette médecine au peuple chilien et argentin. La Grèce, le Portugal et l’Espagne seront probablement les prochains à casquer. Le Parti National Socialiste d’Adolphe Hitler tenait également de tels propos avant son élection au Reichstag allemand.

 

LES OPPORTUNISTES À L’ŒUVRE

 

Le troisième tour de table annonce le troisième mouvement de l’opération récupération. Dans l’euphorie du moment, quelques propositions étranges surgissent de l’assistance. L’un suggère de voter l’application de la taxe Tobin ; le second réclame que l’on nationalise les multinationales minières et pétrolières. Un jeune doctorant voudrait que l’on nationalise les banques canadiennes et étrangères sévissant au Canada. Cette fois la foule est bouche bée, personne ne plaisante car tous comprennent que personne ici ne possède l’autorité ni le pouvoir de réaliser ces vœux pieux.

 

À mes questions : « Comment réaliserez vous ce programme minimaliste ? »(2),  « Comment imposerez-vous vos volontés aux pouvoirs bourgeois, et à ces gouvernements que vous élisez depuis cent ans et qui, sitôt au gouvernement, ne tiennent aucun compte de vos demandes ? ». On aura compris que nous sommes ici au cœur de la question  révolutionnaire… la question de la prise de contrôle du pouvoir d’État et de son monopole de la violence légale. 

 

« Nous changerons encore de gouvernement et par la toute puissance des urnes et de notre bulletin de vote assassin, nous ferons plier les riches à la fin, rétorque le président de l’Université d’été. Toujours plus de ce qui n’a jamais marché, entonne en chœur l’assemblée. » (3).

 

Plus d’un siècle de cette « guérilla démocratique par les urnes » futile n’aura pas suffi à décourager ces « bobos » excités. Toutes ces Universités d’été ne sont organisées  que pour insuffler dans la tête de quelques étudiants, syndicalistes, professeurs d’universités, féministes et autres militants agités l’idée que l’on peut rapiécer – raccommoder – et ainsi sauvegarder ce système capitaliste anarchique, inefficace, exploiteur, prévaricateur, injuste et incapable d’assurer l’alimentation, le logement, l’habillement, l’éducation, le bien être et la sécurité de toute l’humanité.

 

Ce n’est pas par machiavélisme que politiciens bourgeois, spéculateurs boursiers, dirigeants de multinationales, milliardaires spoliateurs et banquiers gouailleurs ne parviennent pas à sauver ce système économique moribond,  c’est parce que les lois inéluctables de son développement historique enclenchent inexorablement les contradictions qui l’amènent à sa perdition. Le capital (en propriété privée) avale la plus value (valeur ajoutée) qu’il se doit de spolier au seul producteur de plus value qui soit, l’ouvrier, cet ouvrier lui n’a que sa force de travail à offrir contre salaire pour survivre et reproduire sa force de travail (sa famille).

 

Et ainsi va ce système archaïque, d’un côté l’opulente accumulation de la richesse et de l’autre la dilapidation des forces productives et le gaspillage de marchandises; d’un côté la destruction de la nourriture et des biens et la consommation à crédit de marchandises inutiles au Nord ; de l’autre, la famine et la mal nutrition la plus abjecte au Sud.

 

C’est au moment ou la misère s’approche des banlieues du Nord que la petite bourgeoisie opportuniste s’active espérant sauver ses biens, son emploi et ce système économique et politique qui l’a si bien servi pendant quelques décennies. 

 

Mais voilà que la crise récurrente du système impérialiste est aux portes des mégalopoles occidentales, elle y est même déjà implantée dans les quartiers populaires et les zones  d’immigration récente où s’entassent les pauvres du Sud, fuyant la misère qui s’est d’abord manifestée sous les Tropiques avant de les poursuivre jusqu’ici.   

 

Malgré tous les efforts de ces ténors de la « gauche pluriel » pour sauver le capitalisme, ce ne sera pas possible à long terme ; mais à court terme il se peut que tous ceux-la parviennent à dérouter la marche des révoltés, à leur faire accepter de plus grands sacrifices afin de prolonger l’agonie de ce système moribond.

 

Sans théorie révolutionnaire pas d’organisation révolutionnaire. Sans organisation révolutionnaire pas de révolution, disait Vladimir Ilitch Oulianov. L’avant-garde des soulèvements populaires doit se réapproprier l’immense expérience accumulée au cours des années, de la Commune de Paris aux soulèvements récents en passant par la Révolution d’octobre et alors tout sera possible. 

 

« On a raison de se révolter », ainsi parlait Zarathoustra… je crois.

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La semaine prochaine: «Quelques théories fumeuses à propos de la crise capitaliste»

 

(1) http://www.centpapiers.com/reformons-le-capitalisme-avant-qu%e2%80%99il-ne-s%e2%80%99effondre/80739    et  http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/reformons-le-capitalisme-avant-qu-99841

(2) Programme réformiste minimaliste car la nationalisation des banques et des minières ne constitue pas un programme socialiste. Les « socialistes » français ont déjà nationalisé certaines banques puis les ont privatisés sans changer le système économique.

(3) C’est l’utopie pseudo démocratique des « bobos », les ouvriers et les immigrants ne votent plus depuis longtemps, particulièrement aux États-Unis.
Salutations cordiales.